Caillots de tempête

Un silence de tempête. Les cheveux qui frisent dans la tourmente.

Le sablier éclate et le temps s’éparpille en bourrasques. Les secondes de sable râpent la peau, s’immiscent sous les paupières.

Un silence remplit de rien. Un silence vide de tout. L’écho du néant qui se répercute sur chacune des particules sablonneuses qui virevoltent autour.

Les cheveux qui frisent dans la tourmente.

Une tignasse qu’on remonte, qu’on sculpte à coups de peigne, qu’on gomme de fixatif, en laissant tomber quelques mèches romantiques. C’est plus beau si c’est vaguement nonchalant.

Mets-toi belle. Enfile tes escarpins pour remplir le silence de tes pas qui avancent. Qui iront vers lui, vers elle, vers eux.

Mets tes talons hauts et tes talons forts, tes talons aiguilles en pic et pic et colégram. On dit que ce n’est pas la destination qui compte, mais bien le voyage. Raison de plus pour se chausser adéquatement, et puis si c’est trop douloureux, si les Louboutins te donnent des ampoules (cette folle paire que tu t’es achetée en voyage alors que tu étais victime de beauté) tu appelles un taxi. Ce n’est pas être faible que d’accepter l’aide d’autrui.

Et puis ta chevelure qui frise, qu’importe que ce soit par tes larmes qui giclent dans le vent ou la pluie torrentielle qui s’abat sur toi. Ils n’ont pas à le savoir. La tristesse te va si bien, elle te donne un air mystérieux, mélancolique. Un vécu qui ne s’achète pas, même chez Ogilvy. N’oublie pas que la frange qui te balafre le front est signe de courage, car tu es celle qui a affronté la tempête et la tourmente, la brume et la bruine qui fait picoter le mascara sur tes joues, le vent et les voiles que forment les parapluies militairement alignés sur les trottoirs. Les léchées que tu croiseras sur ton passage seront celles qui auront impeccablement vécu une existence sans épreuve. À noter que la vie des gens beaucoup trop heureux n’intéresse personne, de toute façon.

Les cheveux qui frisent dans la tourmente.

Un silence de tempête. Un silence qu’il te faut remplir du bruit sourd du bonheur, du cri strident de l’espoir, d’un hurlement de printemps. Un printemps chaud et luxuriant qui fera s’agglutiner les paillettes de sables qui virevoltent encore et toujours, petits tourbillons de malheur acérés et grinçants. La saison les fera fondre et s’agglomérer à une température folle, mais ne crains rien, tes Louboutins tiendront le coup. Tu es venue en taxi, après tout.

Puis une fois la chaude chaleur et moite moiteur du printemps tant attendu estompées, il pleuvra des miroirs. Le sol en sera jonché. Tu pourras alors quitter le taxi et avancer, un pas rouge après l’autre. Droite rouge. Gauche rouge. Encore rouge. Puis rouge, encore.

Et c’est merveilleux parce que la tempête n’est plus et qu’il y a le bruit du bonheur tout autour, toute hauteur.

Des miroirs qui crissent sous tes pas, caillots de tempête de sable avec seulement toi comme reflet dedans.

Au plaisir.

Keep on Keepin on.

MS